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Loiré et la seconde guerre mondiale

Texte imaginaire et amendable  inspiré de faits réels rapportés par  des témoins directs.

1. La guerre prend forme.

Le 10 mai 1940, Monette venait  à peine  de fêter sa douzième année lorsqu'elle entendit  les adultes du village annoncer le début de l'offensive allemande à travers le Luxembourg, la Belgique et les Pays-Bas, pays qu'elle avait pu situer sur la carte pédagogique de l'école. Cette attaque semblait avoir pris de court notre gouvernement. Quelques jours plus tard les intentions du IIIème Reich se précisèrent avec le déferlement de la Wehrmacht sur le Nord de la France et ce malgré la Ligne Maginot pourtant réputée infranchissable.

Cette menace, confuse à ce stade, oppressait l'enfant. Elle ne put s'empêcher de penser à son père. Elle se souvenait en effet parfaitement de la mobilisation générale du 4 septembre 1939, au lendemain de la déclaration de guerre. Tous les habitants du village s'étaient rassemblés devant l'affiche d'"Appel sous les drapeaux" placardée par Mr Paris, le garde-champêtre, sur le pignon de la maison de Mr Surville. Les commentaires allaient bon train et les feuilles de route destinées aux hommes de Loiré ne tardèrent pas. C'est ainsi que Monette vit son père et plusieurs autres hommes de Loiré de Vérines partir à la guerre dans le camion du grand-père réquisitionné pour l'occasion par l'Etat-major français. Les veuves de la Grande Guerre, parmi lesquelles figurait une des grands-mères de Monette, redoutaient des pertes douloureuses pour les familles.

Après le 10 mai, les événements se précipitèrent ne faisant qu'alimenter un sentiment d'insécurité grandissant parmi la population. La guerre prit forme avec l'arrivée des premiers réfugiés en provenance du nord de la France. Certaines familles, principalement originaires de la Marne, furent accueillies dans les foyers du village. C'est ainsi qu'une famille de Saint-Quentin, dans l'Aisne, s'établit chez les Ganivet. Leurs témoignages étaient loin de rassurer Monette. Des détachements militaires français en déroute transitèrent également par nos villages. Ils tentaient de rejoindre le sud de la France. Parmi eux figuraient notamment un détachement d'aviation puis un général de division avec son état-major, chargé initialement d'instruire les troupes polonaises.

 Le 16 juin, la région rochelaise connaissait son premier dommage

de guerre avec le naufrage du paquebot Champlain. Le navire avait

été réquisitionné à New York en 1939 pour transporter des recrues

en Afrique du Nord. Selon des informations en provenance de

Laleu, fuyant les bombardements de Saint-Nazaire, il aurait sauté

sur une ligne de mines parachutée par l'aviation allemande devant

le port de La Pallice, à proximité de Sablanceau.

Peu de temps après, des colonnes de fumée furent observées

par les villageois à l'Ouest de  Loiré. Elles avaient pour origine

le déclenchement d'incendies volontaires des dépôts pétroliers

de Laleu, L'Houmeau et Nieul-sur-Mer ordonné par les autorités

face à l'avancée allemande.                                    

                                                                                             Le Champlain avant qu'il ne coule

Le 17 juin, Monette apprit des adultes du village qu'en plus de la partie nord du pays, tout l'ouest de la France se retrouvait en zone occupée par le IIIème Reich, conséquence de l'Armistice signé par le Maréchal Pétain le même jour. En effet, pour les responsables allemands, la façade atlantique présentait un intérêt stratégique pour les projets d'Adolf Hitler.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                 La France occupée

Cette succession d'événements ne fit  qu'alimenter les craintes de Monette…

 

2. L'occupation allemande: une cohabitation forcée

2.1 L'arrivée des soldats

Les premiers éléments motorisés de l'armée allemande se présentèrent dans la région rochelaise le 23 juin 1940. Ils ne rencontrèrent aucune résistance. 24 000 soldats au total seront  stationnés dans la région de La Rochelle, des îles de Ré et d'Oléron, point nodal du futur Mur de l'Atlantique.

       Les Allemands entrent dans La Rochelle

Les camions militaires et leurs canons tractés défilèrent tout un après-midi

dans les rues de Loiré se dirigeant vers Aigrefeuille. C'est la peur au

ventre que Monette les vit passer par la porte entrebâillée du chai.

Albert, le garçon de ferme, trop jeune pour partir à la guerre, avait

consolidé tous les volets. En effet les premières exactions de militaires

allemands venaient tout juste d'être rapportées par des parents de

villageois résidant à Vérines et Fontpatour. C'est ainsi que Monette

apprit qu'un soldat allemand ivre dont l'unité devait rester trois jours

au bourg de Vérines tua de trois balles de revolver Mr. Jullien de

la ferme isolée des Noues. Ce dernier tentait de protéger sa fille du

militaire aviné.  Son officier, informé des faits par l'abbé Hiou, quitta

le village avec le détachement sans délai.

                                                                 Éléments motorisés de la Wehrmacht.

C'est au cours du mois de juillet 1940 que furent démobilisés les soldats français en pleine débâcle. Monette accueillit avec soulagement le retour de son père à la maison.

 

 

 

2.2  Les contraintes

Puis vinrent les premières restrictions imposées par l'occupant. Ainsi seuls quelques privilégiés avaient le droit d'utiliser les véhicules motorisés, essentiellement les commerçants, pour ce qui concerne le village.  Les déplacements se faisaient donc à pied, en bicyclette ou en char à bancs. En vélo, il fallait compter une heure pour se rendre à La Rochelle et tenir compte du couvre-feu imposé par la Wehrmacht dans le village et partout ailleurs. Les patrouilles militaires dans le village étaient fréquentes et la moindre entorse au couvre-feu était sérieusement réprimandée.

Dans le même temps, les cartes de rationnement et les tickets afférents furent distribués à la population.  Monette, comme les autres enfants d'agriculteurs, n'avait pas le droit au chocolat. Ses parents réussirent toutefois à s'en procurer  via, Colette, une amie réfugiée en provenance de La Rochelle.

Il fallait également participer au ravitaillement de  l'occupant. C'est ainsi que Monette prit l'habitude de voir des soldats venir de temps en temps réclamer des volailles et du lait à la ferme. C'est la Mairie qui coordonnait ce ravitaillement. Habituellement, les soldats n'insistaient pas lorsqu'on leur annonçait qu'il n'y avait rien pour eux lors de leur passage. Deux militaires allemands, souvent les mêmes, étaient chargés de collecter le lait à la ferme familiale après la traite du soir. Ils se faisaient régulièrement servir la crème avant de repartir.

Les jeunes du village plaçaient des collets dans les haies. Ils revendaient ou échangeaient les lièvres et les lapins contre de la nourriture ou des poignées de pointes. C’est Louis Rétaud qui fournissait la famille de Monette.

Un jour, des hommes en uniforme vinrent réquisitionner un des deux chevaux de la ferme à qui ils attribuèrent un numéro. C'est plus tard qu'ils l'emmenèrent..

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   Bon de réquisition d'un cheval à Loiré

 

 

Si les travaux dans les fermes se poursuivaient bonant malant , en l'absence de moyens motorisés, plusieurs hommes du village furent requis pour participer aux travaux de fortification du Mur de l'Atlantique au sein de l'organisation Todt. Chaque homme devait une journée de travail à l’occupant. Certains, tel Louis Rétaud, partaient trois jours d’affilée, car ils prenaient à leur compte le quota d’autres membres de la famille plus âgés. Aux côtés de prisonniers, notamment en provenance d'Espagne, ils contribuèrent, contraints et forcés, tout au long de la guerre, à la construction de la base sous-marine de La Pallice, du canal anti-char ainsi que des nombreux blockhaus de la "forteresse" (festung) de La Rochelle. Ils creusèrent également des tranchées au profit de la Wehrmacht notamment à Anais.

                Construction de la base sous-marine de La Pallice                                                                    Soldat et ouvriers de l'organisation Todt

Les rares camions fonctionnaient grâce au gazogène et les chambres à air des bicyclettes furent progressivement remplacées par des couronnes de bouchons de liège.

2.3  La présence militaire

Si Monette s'habitua progressivement à la présence allemande, c'est sans doute parce qu'aucun événement tragique ne se produisit à Loiré. Les militaires installés dans certaines maisons laissées vacantes par leurs propriétaires – telles celle de Camille Roblin à la Métairie ou du père Chevrier - ne posèrent pas de problème. Certains dimanches il n'était pas rare d'entendre l'accordéon de l'un d'entre eux accompagner les paroles de Lili Marleen. Le musicien, prénommé Franz, était un "malgré-nous" alsacien, enrôlé dans la Wehrmacht.

Certains étaient affectés dans les baraquements en bois du radar

de détection aérienne Freya Egon 1, code Rotfeder, et de la balise de radio

guidage, code Romulus, installés sur les hauteurs du fief de la Motte au Chat

à l'entrée de  Sainte-Soulle à gauche en venant de Loiré.  Les deux pylônes 

avaient été installés dans l'alignement d'un gros arbre isolé qui servait de poste

d'observation aux militaires allemands dès 1941.  Les baraques en bois furent

renforcées par un blockhaus.

Après la guerre, Mr Boussiron, menuisier de Loiré, rachètera des

planches des baraquements allemands pour son atelier.

                                                                                                         Radar Freya Egon 1

D'autres militaires armaient la batterie de défense anti-aérienne installée au moulin de Loiré. Il arrivait également que des unités allemandes établissent des campements provisoires à l'ouest de la route reliant Niort à La Rochelle au niveau du fief de la Poule.

   Exemple de canon anti-aérien (flak 88)

La présence de patrouilles motorisées n'empêchait pas la population de se réunir pour faire la fête. C'est lors d'un mariage célébré dans la maison d'Abel Pezeaud que des militaires allemands, apercevant  de la lumière aux fenêtres de l'étage en soirée, intervinrent pour faire respecter le couvre-feu. Les rideaux furent tirés et la fête continua jusqu'au petit matin en présence des militaires chargés de veiller au bon respect du black-out…

2.4  La résistance à Loiré

Un homme se démarqua à Loiré en bravant l'occupant. Il s'agissait d’Émile Nicoleau. Électricien de métier le jour, il faisait passer le pont de Nuaillé la nuit à des personnes soucieuses d'éviter les Allemands. Il lui arrivait également – parfois accompagné de sa jeune nièce - de déplanter des pieux destinés à empêcher les parachutistes alliés d'atterrir dans les champs environnants.

 

2.5  Les réfugiés rochelais

Monette se fit de nouvelles amies parmi les nouveaux arrivants de La Rochelle. En effet, le nombre des familles en provenance de la  ville et des villages périphériques venues trouver refuge à Loiré n'a cessé de croître à partir de 1941. Au plus fort, cela représentait plusieurs dizaines de familles. Parmi les hommes, plusieurs étaient marins-pêcheurs. A l'instar des réfugiés du nord de la France, certains hommes allaient travailler à l'"usine américaine" d'Aytré. A cette époque l'usine des Entreprises Industrielles Charentaises (E.I.C.) - créée après la Grande Guerre par la Middeltown Company américaine pour la fabrication de wagons et de matériel roulant - appartenait à la Pullman Car Company.  Pendant la seconde guerre mondiale, l'usine fut réquisitionnée par l'armée allemande.

A l'instar de Mr. Boilard, fermier de Mr. Rapidy au chemin haut, plusieurs villageois accueillirent des membres de leur propre famille venus se mettre à l'abri.

La majorité des réfugiés rochelais venait de Laleu – comme Gaston Breton arrivé avec ses chevaux - et de La Pallice, zones touchées par les bombardements de l'aviation alliée. Les  bombardements s'intensifièrent à partir de 1941 dès que la base sous-marine commença à accueillir les U-boot de la Kriegsmarine. Les avions anglais et américains intervenaient le plus souvent de nuit. Les lueurs des explosions étaient visibles de l'étage de la maison de Monette. Avec l'insouciance de son âge, elle appréciait ce spectacle nocturne, véritable feu d'artifice suivi d'un embrasement aux couleurs chaudes et dansantes.

Les relations entre villageois et réfugiés étaient fraternelles. Les soirées autour de quelques crêpes resserraient des liens qui subsistèrent longtemps après la guerre.

Par chance pour la jeune fille, l'école de Loiré ne ferma pas. Avec les réfugiés rochelais, les effectifs doublèrent et les plus grands durent déménager vers la maison inoccupée de Mr. Pelletan. C'est Mme Chiasson, une institutrice réfugiée de La Rochelle  qui assura les cours pour les plus âgés. Les élèves chantaient "Maréchal nous voilà!".

Le catéchisme du jeudi fut également maintenu par l'abbé Hiou à Vérines. Monette s'y rendait à pied avec ses amies. C'est en rentrant du catéchisme, en 1943, qu'elle vit partir le deuxième camion du grand-père réquisitionné, cette fois,  par l'armée allemande.

A partir du printemps 1944, la situation se dégrada pour  les habitants du village de Loiré avec l'organisation de la résistance allemande face à l'avancée des troupes françaises et la proximité des combats.

 

3. La poche de La Rochelle

3.1  Loiré sur la ligne de front

En octobre 1944, quelques mois après le débarquement de Normandie, face à la résistance militaire allemande dans la zone de La Rochelle-La Pallice et afin d'éviter des pertes humaines et de dégâts matériels inutiles, le Capitaine de Frégate Meyer – pour le compte du Colonel Adeline, commandant les troupes françaises libres en opération dans le secteur Royan-La Rochelle- et le contre-amiral  Schirlitz , commandant du camp retranché allemand (Festung) de La Rochelle,  négocièrent un "pacte de non agression".

La convention, signée le 18 octobre 1944 par les deux parties, définit deux zones, l'une allemande, l'autre française qui ne pouvaient faire l'objet d'attaques du camp opposé. Loiré se retrouva ainsi sur la ligne rouge ou ligne délimitant la partie allemande (cf. carte innfra). Les villages de Vérines et de Fontpatour se retrouvèrent quant à eux en pleine zone de combat puisque la ligne bleue délimitant la zone française passait par Bouhet, Benon, Courçon…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

3.2 Le renforcement de la présence militaire

La Wehrmacht renforça ses positions sur la ligne de démarcation y compris à Loiré. Le poste du moulin de Loiré armé de mitrailleuses et de canons fut renforcé par des tranchées et un blockhaus. D'autres points de défense, pour certains bétonnés (construction de type Tobrouk), principalement équipés de mitrailleuses, furent implantés  aux  Egaux, chemin des Poteaux, aux Mottes, chemin des Perreaux, au fief de Loiré, aux Soubisons face à la ferme de la famille Métayer…

                 Construction de type Tobrouk                     

Le contingent allemand s'en trouva renforcé à Loiré.  Les militaires dormaient

dans d'autres maisons que celles déjà occupées telle celle d'Anatole Roblin..

Ils ont également investi l'école, la salle des fêtes et le café Mériguet.

Une infirmerie fut établie dans l'école. 

Des officiers cohabitaient avec les propriétaires dans la maison de la famille Braud

à La Poule.

Le nombre de patrouilles augmenta et les rassemblements furent interdits. Les Allemands

devinrent de plus en plus méfiants envers la population.

Tous les arbres plantés le long de la route de La Rochelle à Niort furent coupés.

3.3  Les conditions de vie se dégradèrent

La pression militaire allemande entraîna des contraintes supplémentaires pour la population. L'interdiction des  rassemblements et la multiplication des patrouilles interdisaient la tenue de bals à la salle du foyer même si les jeunes osaient parfois braver l'interdiction. C'est ainsi qu'un dimanche après-midi Monette et ses amies, chargées de faire le guet dans la rue, avaient pu avertir à temps les jeunes de Loiré. Ils s'étaient réunis pour danser dans la salle du foyer autour de Guy Deraz, un accordéoniste d'Usseau. Les volets furent fermés en toute hâte puis rouverts après le passage des Allemands.

Les habitants de Nuaillé, de Sérigny et du Gué d'Alléré, villages situés en pleine zone de combat entre les deux lignes de démarcation, furent évacués. Des points de contrôle allemands furent érigés à Vérines, sur la butte à la sortie du village en direction d'Angliers, et après la dernière maison en direction de Fontpatour. Des laissez-passer étaient obligatoires pour se rendre dans les autres villages.

Souhaitant rendre  visite à des parents de La Rochelle, Monette et sa mère, faute de disposer de bons sauf-conduits, furent bloquées au check-point du pont de Groleau à Dompierre. Elles virent plusieurs familles converser, chacun restant de son côté des barrières surveillé par les militaires allemands.

               Check-point allemand (vue d'artiste)

L'hiver 44/45 fut particulièrement rigoureux. L'électricité ayant été coupée, c'est à la lampe à carbure et à la bougie que Monette s'éclairait. L'école ayant été fermée dès le mois d'octobre 1944, elle relisait ses cahiers d'écolière.

Dès l'annonce de l'établissement d'une ligne de démarcation passant par Loiré, des habitants avaient aménagé des abris souterrains. Certains l'avaient fait dès 1942 après qu'un avion anglais eut  largué des bombes sur les Insards et au Periou de Belle-Croix.

Pour nourrir les villageois, un des voisins réfugiés de Monette ouvrit une boucherie dans son garage. Il y abattait les bêtes et vendait la viande au détail. A l'instar des autres villageois de Loiré, la mère de la jeune fille tirait le sucre des betteraves grâce à une poëlane.  Le boulanger de Vérines, Mr. Gueret, venait livrer son pain à pied grâce à une petite charrette tirée par deux gros chiens.

Parfois un cochon était tué dans une ferme. Il était alors dissimulé dans un tas de fumier pour éviter que les occupants ne se l’approprient. Ils n’en ont jamais trouvé malgré les sondages à la baïonnette dans les tas de fumiers.

Les familles de marins-pêcheurs, Bretons pour la plupart, telle la famille Auffret originaire de Quiberon, apprirent aux villageois à fabriquer du savon avec du poisson. Ils tentaient d’en minimiser l’odeur en y mélangeant des rhizomes d’iris bouillis. Le résultat n’était pas à la hauteur de leurs espérances et les enfants qui utilisaient ce type de savon essuyaient les quolibets des autres écoliers plus chanceux. Mr Auffret, faute de pouvoir vivre de sa pêche, se mit à fabriquer des sandales avec de la corde qu’il revendait aux villageois.

 

3.4  Les premiers combats

C'est à la fin de l'année 1944 que Loiré connut ses premiers combats. En effet, depuis la  mise en application de la convention Schirlitz -Meyer, la zone située entre les deux lignes de démarcation devint une zone à conquérir ou à défendre, selon le cas, pour les deux parties.

Les positions de défense allemandes de Loiré furent mises à contribution et il n'était pas rare d'entendre le crépitement des mitrailleuses et le son du canon la nuit. Cette proximité des combats rendait Monette anxieuse.

Le 15 décembre 1944, des combats meurtriers eurent lieu au Gué d'Alleré. De nombreux soldats allemands y perdirent la vie.

Un après-midi, Monette accompagnait son père à une vente agricole organisée à Vérines. Une échauffourée  entre des éléments des FFI trop avancés et des militaires allemands à Fontpatour sema la panique parmi la population aussi bien à Vérines que dans les villages alentours.

Un peu plus tard, au cours du mois de janvier 1945, des bombes anglaises tombèrent également sur Sérigny à quelques kilomètres de Loiré. Du 15 au 20 janvier, c'est à Marans que les deux camps s'affrontèrent. 1200 moutons, 800 bovins, 40 chevaux, 30 cochons et des volailles furent razziés par les Allemands à cette occasion.

Le 21 janvier, par un bel après-midi ensoleillé, c'était au tour de Vérines d'être visée par deux tirs d'artillerie des FFI à partir de La Laigne ou du Gué d'Alleré. Certains disaient de Bègles près de Courçon. Puis suivirent d'autres tirs en général  le dimanche soir. Une vingtaine d'impacts d'obus au total furent recensés sur l'ensemble du village de Vérines. A chaque bombardement, la jeune fille craignait pour la vie de ses grands-parents qui résidaient non-loin du château mais  miraculeusement aucun tir ne fut mortel.

Monette entendit dire que c'était le clocher du village qui était visé car, avec ses 45 mètres de hauteur, il servait de point d'observation aux militaires allemands. Il est possible également que ce fut la garnison allemande chargée des check-points de Vérines que les FFI cherchaient à atteindre. Monette entendit même certains adultes de Loiré évoquer la possibilité que l'abbé Hiou, lui-même, réglait les tirs d'artillerie grâce au poste émetteur qu'il aurait dissimulé dans une tombe à l'entrée du cimetière. La messe fut supprimée à Vérines et Monette dut se rendre tous les dimanches en famille à Longèves.

Quelques jours de trêve furent instaurés, ce qui permit aux civils de passer en zone libérée pour peu qu'ils soient munis d'un laissez-passer. Des Rochelais purent ainsi, une seconde fois, quitter la poche sous contrôle allemand. Plusieurs marins-pêcheurs, faute de pouvoir continuer à naviguer, rejoignirent leurs familles à Loiré. Le docteur Hurtaud de Nuaillé passait les lignes avec un drapeau blanc pour soigner des malades. Il en profitait pour renseigner les FFI.

 

              Départ de Rochelais

Le 1er mars 1945, une opération militaire est lancée contre Saint-Sauveur d'Aunis, village défendu par les militaires du 114ème régiment d'infanterie des Deux-Sèvres. De nombreux canons avaient été  regroupés sur les fiefs de Loiré. Ils étaient tractés par des chevaux que les Allemands dissimulaient dans les hangars des fermes où ils mangeaient le foin. Monette vit les soldats quitter le village en longeant les murs avec leur armement individuel. Toute la journée les canons de Loiré grondèrent.  Les militaires rentrèrent le lendemain dépités et le gros du contingent repris la route pour La Rochelle. Des combattants FFI furent capturés puis incarcérés dans un camp à ciel ouvert à La Sauzaie. Des villageois de Loiré leur apportaient de la nourriture et des vêtements.

     Compagnie du 114ème RI

 

 

A partir de cette date, chaque camp semblait rester sur ses positions.

Le 10 avril 1945, sur ordre du Général De Gaulle, le Général de Larminat qui succéda au colonel Adeline au commandement  des forces assiégeant  la poche de La Rochelle, fit valoir la clause de dénonciation de la convention du 18 octobre 1944 en vertu de laquelle la France et ses alliés s'autorisaient à reprendre les combats sans limitation de zone.

Les 14 et 15 avril 1945, les villageois virent un nombre incalculable de

bombardiers alliés se diriger vers le sud. Monette, très impressionnée,

apprit plus tard qu'il s'agissait de plus de 1 300 bombardiers français

et surtout américains B-17 et B-24 de la 8th Air Force partis larguer des

tonnes de bombes sur la poche de Royan dans le cadre de l’opération

«Vénérable». Certains villageois jurèrent avoir aperçu des lueurs peu

après leur survol. Peut-être les flammes du Napalm utilisé pour la

première fois par l’aviation américaine?

 

                                               Bombardiers B-24 américains au-dessus de Royan

La seule personne de Loiré connue pour avoir été blessée par balle pendant cette période fut Mme Yvonne Nicoleau mais dans des conditions qui prêtent à sourire. En effet, c’est un soir en mettant un fagot au feu qu’elle entendit un sifflement puis fut prise d’une violente douleur au fessier. Une cartouche de munition militaire d’origine inconnue égarée dans le fagot avait explosée avec la chaleur et était venue se perdre dans son séans...

 Le 5 mai 1945, à partir d'un front allant de Thairé à Nuaillé,  résultat des succès rencontrés sur le terrain, les forces du général de Larminat se préparaient à lancer l'assaut sur La Rochelle au moment où le IIIème Reich s'effondrait.

Les militaires allemands avaient reçu l'ordre de se replier sur La Rochelle la veille au soir et les forces françaises purent progresser sans rencontrer de résistance.

 

4. La Libération

Le samedi 5 mai au matin, la population de Loiré se réveilla sans aucun soldat allemand dans le village.  Selon certains, ils se seraient éclipsés dans la nuit, pour la plupart à pied en poussant de petites charrettes.

Le lendemain matin, le père de Monette, parti en charrette chercher de l'herbe avec un voisin, tomba sur trois combattants des FFI à pied le fusil à la bretelle. Il les ramena à Loiré dans l'allégresse générale. Dans l'après-midi, la libération du village fut confirmée avec l'arrivée au café du village de maquisards à moto.

                                          Maquisards à moto

Des femmes leur ont sauté au cou avec des bouquets de lilas. Monette chantait et dansait avec les autres jeunes dans les rues de Loiré.

Le lundi 7 mai, ce fut tout un régiment qui se dirigea vers le pont de Groleau en provenance de Nuaillé. Les jeunes de Loiré, surtout des filles,  poussèrent une charrette chargée de grenades qui chavira sans faire de dégâts.  Il y eut quelques accrochages au pont avec des soldats allemands.

Certains maquisards restèrent à Loiré. Ils appartenaient au 93ème et au 114ème régiments d'infanterie. Les combattants du 93ème étaient originaires de Vendée, ceux du 114ème des Deux-Sèvres.

La libération de la poche de La Rochelle se confirma le 9 mai 1945 avec l'entrée des troupes françaises dans la ville après que l'amiral Schirlitz eut signé l'acte de reddition présenté par le capitaine de frégate Meyer.

 

 

 Le Contre-amiral  Schirlitz et le Capitaine de Frégate Meyer

 

 

 

Les prisonniers allemands de La Rochelle furent acheminés à pied

vers des camps de regroupement encadrés par les anciens

combattants FFI. L'un de ces camps fut créé dans un champ

proche de la route menant de La Rochelle à Niort au carrefour

avec la route de Longèves. Les soldats allemands dépenaillés

n'en menaient pas large derrière les barbelés. Un après-midi,

Monette vit le père Sagot s'énerver contre l'un d'entre eux allant

jusqu'à le menacer de mort. Le père Sagot avait reconnu en

lui un garde qui l'avait violenté lorsqu'il avait été réquisitionné

pour l'organisation Todt. Les gardiens durent isoler le prisonnier

dans une cabane de Mr. Surville à La Poule. Emile Nicoleau dut

user de toute son influence pour calmer la population qui menaçait

de le lyncher.

                                                                                 Prisonniers allemands

Les militaires français, lesVendéens du 93ème RI, s'installèrent pour deux mois au village établissant leur poste de commandement dans le café. Ils logeaient dans les familles. Celle de Monette en accueillait quatre à elle seule. Tous les matins et tous les soirs ils se regroupaient pour la cérémonie des couleurs sur la place du village.

Il y avait bal à la salle des fêtes quasiment tous les soirs qui suivirent l'arrivée des premiers maquisards à Loiré sauf le 8 mai date à laquelle le bal eut lieu dans les baraquements allemands du moulin.

Le 9 mai, une retraite aux flambeaux avec défilé fut organisée. Monette, l'ensemble des villageois et les maquisards allèrent chanter la Marseillaise autour du camp de prisonniers.  La salle du foyer ne put contenir tous les danseurs. Les anciens combattants FFI n'eurent pas de mal à trouver des cavalières. Seule ombre au tableau, comme les vignes avaient gelé et que les réserves étaient à sec, il n'y avait pas de vin. Le vin fut remplacé par de l'eau. Monette et ses amies aidèrent les anciens à remplir les verres à partir d'une grande baille déposée sur la scène. N'ayant plus la côte auprès des filles, les garçons du village boudèrent pendant quelque temps.

Le calme revint progressivement. Les militaires et les réfugiés quittèrent Loiré et la vie normale reprit son cours. Certains fermiers, telles les familles Landriau, Laurent ou Jean, se virent affecter un prisonnier allemand pendant quelque temps. La plupart restèrent en relation avec ces Allemands bien après leur retour dans leur famille. Franz, l’Alsacien enrôlé dans l’armée allemande revint également à Loiré dans les années 60 avec sa famille. Il échangea des souvenirs avec des villageois.

 

 

C'est ainsi que Loiré, petit village de l'Aunis, traversa la seconde guerre mondiale...

La rédaction.

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La rédaction remercie vivement Geneviève Rapidy, Josette Bouchet et Madeleine Bonhomme pour leurs témoignages ainsi que quelques autres, plus jeunes, qui se reconnaîtront et qui ont accepté de partager la parole de leurs anciens avec les lecteurs.

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